Freebanking : l’expérience chilienne 1860-1898, par Meng Hu

Free-banking revisited: the Chilean experience 1860-1898

Free-banking revisited: the Chilean experience 1860-1898 (Ignacio Briones) [PDF]

Un point de vue commun parmi les critiques du Free Banking chilien serait que le cadre libéral excessif dirigeant les institutions bancaires a semé les graines d’une profonde crise financière subséquente et d’une sorte de chaos financier permanent.

Mais les données empiriques rapportent que l’inflation était faible et stable durant la période sous étude, et ce, malgré les guerres qui perturbèrent l’économie de l’époque.

En outre, l’économie chilienne a connu une forte croissance et le marché intérieur des capitaux a connu un développement énorme dans toutes ses branches au cours de cette période.

Mise à part la publication des bilans mensuels et les limites d’émission monétaire liées à une fraction du capital effectif qu’elles constituaient (150%), le système bancaire chilien n’a pas établi d’autres limitations majeures pour la création de banque d’émission.
Durant cette période, les faillites étaient rares, le nombre de banques d’émission a augmenté au fil du temps pour la plupart de la période 1860-1898 tandis que les taux de concentration atteignaient des niveaux raisonnables à certains stades.

Selon les propres mots de Courcelle, l’émission monétaire ne pouvait pas dépasser naturellement la demande de marché réelle de monnaie.

« La quantité de monnaie employée dans un pays est réglée uniquement par les besoins du commerce et ne peut s’élever au dessus de la somme requise par ces besoins , sans qu’il y ait aussitôt une dépréciation de billets de banque au dessous de la monnaie métallique occasionne une demande immédiate de remboursement qui modère les émissions » (« Traité de théorie politique et pratique des opérations de banque » Paris, 1876, p 401.)

Les principales caractéristiques de la Banking Law de 1860 peuvent être résumées comme suit.

· Convertibilité : les billets devaient être remboursés en espèces (argent ou or) en vue et sur demande (Art. 26 et 27).

· Liberté d’entrée : la loi a statué que toute personne apte à entreprendre des activités commerciales peut fonder une banque d’émission (Art. 1)

· Capital comme couverture pour l’émission monétaire : l’une des principales distinctions du système bancaire chilien est que la loi n’oblige pas les banques à détenir des réserves métalliques ou en espèce comme couverture de son émission monétaire, mais simplement un capital minimum. Nous sommes donc en vertu d’une variante d’un pur modèle de réserve fractionnaire. La loi chilienne restreint la quantité de billets émis à 150% du capital versé (Art. 29). En outre, elle a établi que le capital versé doit être uniquement constitué d’espèces ou de dettes à court terme (moins de 6 mois) par “des gens très bien connus et solvables” (Art. 6). Les billets devaient être numérotés et signés à double-coupon par le directeur de la banque et le gouverneur de la Casa de Moneda (l’État). Un coupon devait rester à la Casa de Moneda en tant que contrôle de l’émission déclarée (Art. 14).

· Transparence et information comptable : la loi de 1860 oblige les banques à publier des bilans mensuels détaillés devant être transmis au Ministère des Finances (Art. 8 et 30). Le Président de la République était en charge de la révision de l’information comptable lorsqu’une nouvelle banque ouvre ses portes (Art. 5). Par ailleurs, la loi oblige les banques à indiquer dans un compte spécial le solde des prêts à ses dirigeants et administrateurs (Art. 10). Le non-respect de ces modalités occasionne des amendes importantes (Art. 24 et 25).

· La gouvernance d’entreprise : la loi a établi une série de conditions empêchant les fraudes et alignant les intérêts de l’administration et des porteurs de billets. Par exemple, le directeur de la banque était obligé de constituer une garantie pour un montant de 10% du capital total des banques sur les obligations engagées par la banque au cours de son mandat (Art. 9).

En outre, les propriétaires avaient la responsabilité illimitée sur les droits de la banque (Art. 26). Cela signifie que si les actifs bancaires étaient insuffisants pour s’acquitter de ses dettes, les propriétaires de la banque doivent couvrir la perte avec leur richesse personnelle.

En 1878, le système bancaire chilien a connu une crise de liquidité importante. Les grandes banques chiliennes comme la Banco Nacional de Chile et la Banco de Valparaiso (qui représentent ensemble près de 60% du total des dépôts et 55% du total des billets de banque) ont connu une chute sévère de leurs réserves en espèces lorsque les porteurs de billets se sont rués pour aller convertir leurs billets. Du fait des énormes difficultés rencontrées par les plus grandes banques du pays et pour d’autres raisons non développées dans le présent article, le gouvernement a empêché leur faillite.

En conséquence, le 23 Juillet de 1878 le gouvernement a adopté une loi instaurant la réception forcée et la non-convertibilité des billets de banque. Dans le même temps, la loi contraignait les banques à accumuler des réserves en espèces ou des obligations afin de rembourser leurs billets une fois que la convertibilité sera rétablie. En principe, cette loi devait être transitoire, pour donner le temps aux banques d’améliorer leurs réserves en espèces avant le retour de la convertibilité. La date initiale de retour à la convertibilité totale a été fixée au 31 Août 1879, mais une autre loi (6 Septembre 1878) a repoussé la convertibilité jusqu’au 1er Mai 1880. Pendant toute la période d’inconvertibilité, la liberté d’entrée et le droit d’émettre des billets ont prévalu.

Néanmoins, les banques n’avaient plus l’exclusivité d’émettre les billets car, depuis 1879, l’État a commencé à imprimer ses propres billets (billets fiscaux) et devint rapidement le principal fournisseur de papier-monnaie. Dans la pratique, la loi d’inconvertibilité établit une limite pour le montant de billets que chaque banque pouvait déclarer comme étant inconvertible et leur permettait toujours d’émettre des billets “convertibles” pour un montant maximum de 150% de leur capital versé tel qu’il a été établi dans la Banking Law des années 1860. Néanmoins, ces billets “convertibles” étaient assez différents des billets convertibles en espèces, car les banques avaient le droit de tout simplement les convertir en leur propre émission inconvertible ou en billets fiscaux inconvertibles.

Le 1er Mai 1880, l’inconvertibilité des billets de banque a pris fin, théoriquement. Néanmoins, l’inconvertibilité des billets fiscaux demeurait. En conséquence, même si (en théorie) les banques étaient tenues à convertir leurs billets en espèces, elles pouvaient tout simplement les rembourser en billets fiscaux inconvertibles. Autrement dit, le régime d’inconvertibilité est allé bien au-delà de 1880, et a prévalu jusqu’en 1895.
Après plusieurs années de débats au cours des années 1890, le 12 Février 1895, le Parlement a adopté une loi ordonnant le retour progressif à la convertibilité à partir du 1er Juin 1895. Pour ce faire, le Chili a adopté l’étalon-or, avec un taux de change-or implicite de 18d par Peso. La loi stipulait que les billets fiscaux devaient immédiatement (à partir du 1er Juin) être remboursables en or ou en argent sur demande (seulement si la valeur d’un Peso d’argent était plus de 18d). Elle a également considéré une conversion complète des billets fiscaux restants (si applicable) d’ici le 31 Décembre 1897.

En ce qui concerne les billets de banque, la loi contraint les banques à accumuler un ratio 1:1 en or, billets fiscaux ou obligations qui doivent être déposés à la Casa de Moneda en tant que garantie sur les émissions qui doivent être converties. La date limite pour la conversion complète des billets de banques a été fixée au 31 Décembre 1897. En attendant, les billets de banque qui ont été garantis étaient acceptés par l’État pour le paiement des impôts ou autres dettes en faveur de l’État. Mais d’ici la fin de 1898, les banques n’étaient pas en mesure de convertir pleinement leurs billets. C’est pourquoi le 31 Juillet, une nouvelle loi a déclaré tous les billets restants comme étant des billets fiscaux, rétablissant le cours forcé et l’inconvertibilité et empêchant les banques d’émettre du papier-monnaie par la suite. Ceci impliquait la fin de la période de Free Banking mais aussi de cette courte période de convertibilité et de l’ère d’étalon-or. Depuis lors, seul l’État fut autorisé à émettre du papier-monnaie.

En résumé, l’ère de banque libre peut être divisée en trois sous-périodes. Entre 1860 et 1878, le système fonctionnait sous un régime de convertibilité intégrale en espèces. Au cours des 17 années suivantes, le contexte était celui de l’inconvertibilité et de la réception forcée des billets ainsi que de la prééminence de l’émission de billets fiscaux. La période 1895-1898 a marqué un bref retour à la convertibilité ainsi que le remplacement du système bimétallique par les critères de l’étalon-or. Par la suite, l’inconvertibilité a été adoptée de nouveau (1898) et l’État était devenu le seul émetteur de papier-monnaie.

Si en 1866, on dénombre 5 banques émettrices, au début des années 1890, le nombre de banques chiliennes a atteint un pic de 24 banques émettrices. Le Chili comptait 17 institutions bancaires en 1898. Pendant la plus grande partie de l’ère de banque libre, il n’y avait presque pas de banques commerciales pures, et c’est seulement depuis la fin des années 1880 qu’elles atteindront une certaine importance relative. La Figure n°1 présente cette évolution.

Pendant toute la période, 34 banques émettrices existaient à un moment ou un autre. Le tableau n°1 rapporte ces banques, en indiquant leur année de fondation, la première année où elles ont publié des billets et, le cas échéant, leur date de clôture.

Lorsque l’on regarde le nombre de banques émettrices qui sont restées en affaire d’ici la fin du 19ème siècle, on pourrait penser que la moitié d’entre elles a échoué. La réalité est plus complexe que cela. Une fermeture de banque est tout à fait différente d’une faillite de banque. Parmi les banques présentées dans le tableau n°1, trois d’entre elles – Banco de Mac Clure, Banco de Matte et Mac Clure et Banco de Matte – sont exactement les mêmes et une simple modification de leurs noms a eu lieu entre 1854 une 1876 (ce n’était pas une fermeture de banque). En outre, 4 autres cas de “disparitions” nominales n’étaient pas associés à des défaillances bancaires, mais avec la fusion et les processus d’acquisition. Ce fut le cas de Banco Sudamericano qui a été achetée en 1873 par la Banco de Valparaiso et de Banco Agricola, Banco Nacional de Chile et Banco de Valparaiso qui ont fusionné en 1892, conduisant à la création de la Banco de Chile.

Parmi les banques qui ont fermé, Banco de Credito Unido a remboursé tous ses billets avant de fermer en 1897 (“cas 1”). Pour 3 des 10 banques fermées restantes (Banco Alianza, Banco Ossa et Banco Consolidado) les dettes ont été reprises par la Banco Nacional (pour les deux premières) et par la Banco de Valparaiso pour la troisième. Cela suggère que ces trois institutions avaient une valeur nette positive et que le mécanisme de marché décrit dans le “cas 2” a prévalu. En l’absence d’information permettant d’établir si, pour les 7 autres cas de défaillance, les dettes ont été remboursées ou non (et dans quelle proportion), Ignacio Briones a supposé le “cas 3” extrême dans lequel les dettes n’ont pas été entièrement payées. Le tableau n°2 résume les résultats susmentionnés.

La proportion des faillites bancaires au nombre total de banques qui existaient à un moment ou à un autre durant 1860 et 1898 serait comprise entre 20,5% et 29,5%. Ce taux d’échec est en ligne avec les éléments de preuve recueillis par Rolnick et Weber (1983) pour l’expérience supposée réussie de l’État de New York aux États-Unis durant l’ère de Free Banking (36%) et est inférieur à la moyenne des États-Unis (48%).

Concentrons-nous maintenant sur le remboursement des billets et supposons le cas extrême où ces 7 banques étaient incapables de rembourser leurs billets. Exprimé en pourcentage du montant total des billets de banque en circulation, on constate que les billets des banques en faillite n’ont jamais dépassé 1,2%. En d’autres termes, ces faillites étaient associées aux petites banques qui ont eu un effet marginal sur l’ensemble du système.
La même conclusion est obtenue lorsque l’on examine les dépôts, au lieu des billets. Les pertes qui auraient été essuyées par les porteurs de billets durant ces faillites peuvent aussi être exprimées en taux annuels moyens par rapport à l’encours total des billets en circulation (ou dépôts) pour l’ensemble de la période 1860-1898.
Ce taux annuel est d’environ 0,25% pour les billets et 0,12% pour les dépôts. Le taux moyen de perte pour les billets est similaire (0,18%) à celui rapporté par King (1983) pour New York (1842-1863) en tant que preuve à l’appui de cette expérience réussie à l’intérieur du système de Free Banking américain et est inférieur à la dépréciation naturelle (en raison de l’utilisation) d’une pièce métallique. Le tableau n°3 résume ces résultats.

Le tableau n°3 montre également que (à l’exception de Banco del Sur) les banques qui ont failli étaient restées en affaire pendant bien plus d’un an. Ceci suggère que les échecs des banques libres chiliennes n’étaient pas associés à ce qu’on appelle le « wildcat banking ».
En fait, presque toutes les banques chiliennes qui ont échoué ont opéré pendant plus de 3 ans (la moyenne est de 7 ans) et elles ont toutes été implantées dans les villes les plus importantes du pays.

Dans un environnement concurrentiel raisonnable, on pourrait s’attendre à observer au moins deux choses : 1) qu’il n’y ait pas de degré excessif de concentration et que 2) si tel n’est pas le cas, les niveaux de concentration doivent baisser au fil du temps à mesure que les nouveaux entrants tentent de capturer les profits excessifs des banques déjà établies.
Puisque la réglementation chilienne garantit la libre entrée et impose seulement des restrictions minimales concernant la création d’une banque, cela offre théoriquement des incitations idéales pour l’accomplissement de ces conditions. Afin de tester ces hypothèses, Briones propose deux indices alternatifs de concentration bancaire. Le premier consiste simplement à mesurer la part de marché des grandes banques (dans ce cas, la part de marché des dépôts pour les 3 grandes banques). Le second est ce qu’on appelle l’indice de Herfindahl-Hirschmann (HHI). Au lieu de prendre seulement les banques majeures, cet indice présente l’avantage d’inclure toutes les banques existantes en une seule mesure qui permet d’étalonner le poids relatif de chaque banque.

Pour l’HHI, les critères standard pour déterminer si le marché est atomisé ou non, on suppose que les valeurs inférieures à 0,1 représentent un marché concurrentiel. Entre 0,1 et 0,18 l’industrie est considérée comme ayant un degré de concentration modéré. Au-dessus de 0,18 le marché est considéré comme étant très concentré. L’évolution de ces deux mesures de concentration est présentée dans la figure n°2.

Lorsque l’on regarde exclusivement la part de marché des 3 grandes banques, on est tenté de dire que la tendance générale était à la baisse pour les taux de concentration. Si en 1866 les trois grandes banques représentaient 85% des dépôts totaux, d’ici la fin de la période, cette proportion a chuté à 65%. En ce sens on pourrait dire que la deuxième condition précitée est remplie. Néanmoins, en termes absolus, les taux de concentration étaient toujours importants [24]. Comme le montre la figure n°3, deux banques (Banco Nacional de Chile et Banco de Valparaiso) concentraient plus de la moitié du marché.

[24] Avec les 28 banques opérant aujourd’hui dans le système bancaire chilien très dynamique et compétitif, les 5 grandes banques concentrent près de 60% des dépôts totaux.

L’HHI complète cette information mais fournit une image plus précise de l’histoire. D’abord, il montre que la phase de concentration déclinante ne s’est pas arrêtée à la fin de la période, mais déjà au début des années 1890 (juste quelques années avant le retour à la convertibilité en 1895). Par la suite, la concentration a presque retrouvé les niveaux du début de la période. Les niveaux de concentration sont passés de “très concentrés” en 1866 (0,33) à “modérément concentré” en 1890 (0,17).

En outre, la preuve présentée indique que cette « phase compétitive » peut être divisée en deux sous-périodes. Une correspondant à la 1ère période de convertibilité (1860-1878) dans laquelle la compétitivité a augmenté (l’HHI est tombé à 0,19) et une seconde associée à la période d’inconvertibilité (1878-1895) dans laquelle la concentration a d’abord augmenté de nouveau puis diminué une fois de plus depuis la fin des années 1880.

Un moyen complémentaire de tester l’hypothèse de concurrence consiste à examiner la rentabilité du système bancaire, en particulier l’une des grandes banques. Au cours de la période analysée, l’activité bancaire a semblé être très rentable. En moyenne, le ratio des gains annuels au capital versé était presque toujours au-dessus de 12%. Mais d’un point de vue global, la rentabilité tend à diminuer au fil du temps. Comme le montre la figure n°4, si dans les années 1860, le taux de gain annuel moyen du système bancaire était proche de 17% de son capital versé, dans les années 1890 ce ratio atteint seulement 10%. Cette observation serait en ligne avec le fait que tant que les « profits excessifs » existent, les nouvelles banques ont des incitations à entrer, capturant une partie de ces gains excessifs, ce qui diminue alors la rentabilité moyenne de l’industrie.

Fait intéressant, la rentabilité ne chute pas de manière homogène dans le temps. Il est possible de distinguer trois phases principales, qui sont à leur tour corrélées avec les deux changements institutionnels présentés précédemment et la preuve par l’HHI signalée précédemment. Jusqu’en 1878 (1ère période de convertibilité) les rendements bancaires étaient en déclin : les bénéfices ont chuté de près de 20% du capital versé à moins de 12%. Ceci indique une hausse du niveau de concurrence. Par opposition, la période d’inconvertibilité semblait avoir inversé cette tendance. Immédiatement après l’instauration de l’inconvertibilité, les bénéfices se sont accrus. Malgré le fait que de nombreuses nouvelles banques ont été établies par la suite (surtout pendant les années 1880), jusqu’en 1895 ces niveaux élevés de rendement sont restés relativement stables autour de 18% du capital versé.

Enfin, le retour de la convertibilité qui a eu lieu entre 1895 et 1898 a provoqué une nouvelle baisse dans les ratios de bénéfices bancaires. D’une manière générale, tout se passe comme si, au cours des périodes de convertibilité, le mécanisme de marché éliminant les « profits excédentaires » fonctionnait. En revanche, l’ère d’inconvertibilité semblait avoir agi comme une sorte de bouclier ou de protection pour les banques (ou certaines banques) et leurs rendements. Comme présenté dans la Figure n°5, cette conclusion est encore plus claire si l’on regarde ce qui s’est passé pour le taux de rentabilité des grandes banques telles que Banco Nacional de Chile et Banco de Valparaiso. Au cours de la 1ère période de convertibilité, leurs taux de rendement étaient en déclin et elles ont achevé la période avec des taux de rentabilité inférieurs à la moyenne du marché. Durant l’inconvertibilité, l’inverse s’est produit et les grandes banques ont obtenu des gains bien au-delà du marché.

La Figure n°7 montre le prêt de 90 jours et les taux des dépôts. Deux observations intéressantes peuvent être faites. La première est liée à l’écart des taux d’intérêt. La preuve présentée montre que le spread était plus faible au cours de la 1ère période de convertibilité (une moyenne de 3,5% pour la période 1866-1878) que celui enregistré pendant la plus grande partie de l’ère d’inconvertibilité (5% en moyenne pour la période 1878-1892).

Deuxièmement, comme on aurait pu s’attendre, les grandes périodes de hausses de taux d’intérêt correspondent à la crise de 1878 et l’ère de convertibilité-or (1895-1898) puisque, durant les deux épisodes, le système bancaire aurait connu des problèmes de liquidité et un manque de confiance parmi les porteurs de billets. Dans chacun de ces épisodes, le taux d’intérêt a augmenté uniquement de façon « modérée » par rapport à une augmentation à laquelle on aurait pu s’attendre dans une profonde crise de liquidité (de 8,5% à 11% pendant la crise 1878 et de 8% à 10% à la fin de la période de convertibilité-or).

D’un point de vue théorique, il est clair qu’un système bancaire solide produit des effets d’externalité sur les autres branches du système financier national ainsi que sur l’activité économique. Même s’il est difficile de quantifier ces effets, il est très clair que pour le cas du Chili, la période de Free Banking a coïncidé avec une ère d’expansion économique ainsi qu’un développement important du marché des capitaux chilien dans son ensemble. En effet, au cours de la seconde moitié du 19ème siècle, les principales activités financières formelles tels que les actions, la dette à long terme ou les prêts hypothécaires sur le marché ont connu une expansion considérable. Ce développement s’explique principalement par la création d’un cadre institutionnel inexistant (règle de droit) qui a défini les droits de propriété et fixé avec précision les droits et les responsabilités des agents du marché.

Une mesure quantitative du développement du marché a été calculée par le ratio du total des actifs financiers de l’économie par rapport au PIB. Si en 1870, le total des actifs financiers ne représentait que 40% du PIB national, ce ratio est passé à 60% vers la fin du siècle. Pendant le même intervalle, la capitalisation boursière est passée de 20% du PIB à 35%. De la même manière, le marché hypothécaire (représentant le plus important marché privé national à long terme) est passé de 3% du PIB dans les années 1860 à 15% du PIB vers la fin du siècle. La Figure n°8 résume ces conclusions antérieures.

L’expansion du marché des capitaux a également été accompagnée par un développement économique important. Au cours de la seconde moitié du 19ème siècle, le PIB réel du Chili s’est accru par près de 4 fois. En particulier, entre 1860 et 1898, le PIB réel par habitant a augmenté à un taux annuel moyen de 2,1%. Comme présenté dans le tableau n°4, ce taux de croissance économique peut être très favorable comparé à une perspective comparative historique à long terme.

La performance économique chilienne au cours de la période de Free Banking peut aussi être évaluée en termes de réussite par une comparaison avec les pays latino-américains comme le Brésil, les pays émergents comme l’Australie ou même les pays développés comme les États-Unis ou l’Europe. Les Figures n°9 à n°12 présentent l’évolution du PIB international par habitant en tant que fraction du PIB par habitant au Chili.

Si l’on examine exclusivement l’émission bancaire nette (figure n°13), on pourrait conclure que l’émission des billets a augmenté jusqu’en 1895. En particulier, entre 1866-1895 son taux annuel moyen d’expansion aurait été d’environ 8,8%. Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, ce chiffre est trompeur. Si l’on regarde les billet qui étaient effectivement hors du système bancaire (dans les mains du public), le tableau est quelque peu différent. Grosso modo, la circulation des billets de banque s’est répandue jusqu’à la fin de la première période de convertibilité, mais a diminué par la suite jusqu’à la période de convertibilité-or. Pourquoi le montant des billets de banque en circulation diminue après l’instauration de l’inconvertibilité en 1878 ? Comme le montre la figure n°14, la principale réponse réside dans l’introduction d’un deuxième fournisseur de papier-monnaie : l’État.

Puisque les billets fiscaux peuvent être considérés comme substituts parfaits du billet de banque, il n’est pas surprenant de constater que les billets de banque (dans les mains du public) ont diminué pendant la période d’inconvertibilité.
Durant le retour de la convertibilité, les billets fiscaux et bancaires doivent être convertis en espèces, et ceci est la raison principale qui explique l’énorme baisse des billets (fiscaux et bancaires) totaux en circulation entre 1895 et 1898. Après 1898, l’inconvertibilité a été adoptée de nouveau et les banques privées n’avaient plus le droit de continuer à émettre des billets. En conséquence, les billets fiscaux constitueront l’unique papier-monnaie en circulation par la suite.

Au cours de la période 1860-1898, le taux d’inflation annuel moyen était modéré (3,3%). En outre, jusqu’à la décennie des années 1880, sa volatilité était également faible. Dans la pratique, jusqu’en 1878, l’économie chilienne avait un taux de change quasi fixe et il a donc fonctionné comme un point d’ancrage nominal contre l’inflation.

Il n’est pas surprenant que durant cette période, le taux d’inflation moyen était bien inférieur (1,3% par an) au taux moyen pour l’ensemble de la période et (par exemple) du taux d’inflation de l’ère d’inconvertibilité. Depuis 1878 et en raison de la dépréciation de l’argent dans les marchés internationaux, le système bimétallique du Chili est passé de facto à l’étalon-argent et le point d’ancrage nominal a été perdu.

Puisque l’émission de billets fiscaux était de loin supérieure aux billets de banque, il n’est pas surprenant de constater que les épisodes d’inflation importante ont coïncidé précisément avec les augmentations massives d’émission des billets fiscaux. Juste après la première émission fiscale (1879), l’inflation a augmenté immédiatement à 11%. Parce qu’aucune nouvelle émission fiscale importante n’a eu lieu par la suite jusqu’à la fin des années 1880, et aussi parce que l’émission bancaire tend à diminuer, l’inflation est restée stable au cours des 10 années suivantes.

Néanmoins, au début des années 1890, l’émission fiscale a plus que doublé et, en conséquense, le Chili a connu son épisode majeur d’inflation : 22% en 1893 et 15% en moyenne pour l’ensemble de la période 1891-1894. Par la suite, entre 1895 et 1898, le retour à la convertibilité a produit un déclin dramatique dans la circulation des billets des banques et de l’État. En conséquence, le Chili a été plongé dans un bref processus déflationniste.

En outre, on peut penser que les banques ont joué exactement le rôle inverse de celui qui lui était attribué par ses détracteurs. En raison de l’effet de substitution entre les billets fiscaux et bancaires, à chaque fois que les billets fiscaux se multipliaient, les billets de banque (dans les mains du secteur public) diminuaient, évitant de cette façon une nouvelle augmentation des prix intérieurs.

Entre 1860 et 1878, le Peso chilien a perdu 45% de sa valeur par rapport à la livre sterling.

La figure 17 présente l’évolution du taux de change (3 mois) qui jusqu’en 1978 est resté dans la limite des bornes définies.

La figure n°18 présente le ratio de couverture en espèces et billets fiscaux des banques par rapport à leur émission totale. Trois remarques. Tout d’abord, au cours de la période de convertibilité, la couverture en espèces du système bancaire s’est détériorée systématiquement au fil du temps. Même si à la veille de 1878, ce ratio reste encore à des niveaux raisonnables (40%), cette tendance à la baisse serait le principal facteur expliquant la panique bancaire qui s’est produite cette année là et l’instauration de l’inconvertibilité comme un moyen d’aider le système bancaire.
Deuxièmement, pendant l’ère d’inconvertibilité, la couverture en espèces n’a pas augmenté, mais elle est au moins restée stable (près de 20%) jusqu’au début des années 1890.
Troisièmement, et c’est le plus important. Si au cours de la période d’inconvertibilité, la couverture en espèces ne s’est pas améliorée, en compensation, les banques accumuleraient de grandes quantités de billets fiscaux dans les réserves de trésorerie leur permettant d’atteindre un ratio de couverture moyen de près de 85% de leur émission totale. Ceci implique que les banques ne pouvaient pas être pleinement responsables de la dépréciation excessive que le Chili a connu durant l’inconvertibilité. La Figure n°19 présente les estimations de Briones sur la part de dépréciation excessive imputable aux billets des banques et de l’État.

Pour une dépréciation excessive moyenne de près de 23% pendant la période d’inconvertibilité, les banques ne sont représentées qu’à 5% alors que les billets fiscaux représentent les 18% restants. En outre, à l’exception de la dépréciation immédiate qui s’est produite après l’instauration de l’inconvertibilité et l’épisode à la fin des années 1890 lorsque le ratio de couverture des banques a diminué, les principaux événements de dépréciation excessive ne sont pas liés à une augmentation des billets de banque. Comme le montre la figure n°20, ils sont associés à l’expansion considérable de l’émission fiscale.

Si l’on s’accorde à dire que 1878 a marqué un point de rupture, il faut aussi être en mesure d’expliquer les causes sous-jacentes. Il semble très clair que l’inconvertibilité n’obéissait pas à un caprice du gouvernement, mais à des problèmes de liquidité réels de certaines banques. Ainsi, l’élément pertinent est de déterminer la part de responsabilité de ces banques dans le processus. Pour ce faire, diverses questions se posent. La crise était-elle inévitable, en dépit du libéralisme de la Banking Law de 1860 ? Est-ce que ces problèmes de liquidité obéissent à un choc exogène ou tout simplement à une mauvaise gestion bancaire ? Si c’était le cas, n’aurait-il pas été préférable de laisser les banques mal gérées faire faillite, ou éventuellement se faire acheter ?

Deuxièmement, nous devons expliquer pourquoi la période d’inconvertibilité étendue depuis si longtemps (près de 20 ans). Si l’inconvertibilité était un moyen transitoire pour sauver le système bancaire à un moment précis, on aurait pu s’attendre à un retour d’une condition « normale » (convertibilité) dès que possible. Quelles sont les raisons de cette prolongation excessive ? Pourquoi l’État est devenu le principal fournisseur de monnaie inconvertible en même temps qu’il semblait se mettre d’accord dans le maintien de l’inconvertibilité pendant tout ce temps ? Est-ce que les banques bénéficient d’une forte influence politique leur permettant de perpétuer un système dont elles bénéficient ? Est-ce que les procédures de gestion inadéquates ont entravé le système bancaire pour permettre un retour plus rapide à la convertibilité ? Si oui, quel était le rôle incitatif de la loi, le cas échéant, derrière ce genre de comportement ?

Dans ce présent document, Briones ne donne pas une indication très claire de la cause des crises de 1878 et de 1898. Néanmoins, Briones et Rockoff (2005) donnent implicitement une autre explication à la crise de 1878 contredisant à première vue la conclusion précédente de Briones :

In 1878, a big loan to the government was arranged and the amount of bank notes that could be received by the State at par implied a doubling of the circulation. This loan, of course, created strong incentives for the private banks to increase their issues and undermined convertibility. A deep financial crisis occurred in 1878, after which the government decreed the inconvertibility of bank notes and thus the depreciation of the local currency (Briones 2004).

Sur le Mises Wiki, une explication est donnée à la crise de 1898 :

In 1898, due to the threat of a war with Argentina, a bank run has found the banks unprepared. To avoid a collapse of the economy, the state took over the banks’ banknotes. (However, they were lent to the banks at a 2% rate, and so they kept an indirect influence on the issue of banknotes.)

La même que celle qui a été donnée par Guillermo Subercaseaux (page 9/36) :

L’inconvertibilité des billets de banque au Chili (1878) apparaît également dans une situation économique critique, en particulier pour les banques, et la situation financière ou encore les besoins d’argent du gouvernement et les emprunts aux banques contribuèrent beaucoup à amener cette situation. En 1879, des émissions de billets fiscaux sont faites qui n’eurent d’autre objet que de procurer des ressources pour la guerre. La nouvelle inconvertibilité de 1898 fut causée par la nécessité d’éviter aux banques une panique, sans que le facteur financier y contribuât en rien ; ce fut bien plutôt un cas de panique déterminée par les bruits de guerre.

Lecture complémentaire :
Truth About Free Banking in Chile : Selgin versus Rothbard
The Experience of Free Banking – Kevin Dowd
Free Banking in Scotland, 1716-1844 : White versus Rothbard & Sechrest
Free Banking versus Regulated Banking : Hong Kong, Canada, United States

Pour la théorie, voir “The Theory of Free Banking”, Selgin, 1988, partie 1partie 2partie 3partie 4partie 5partie 6partie 7partie 8partie 9partie 10partie 11, et enfin Rallo versus Selgin.

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l’appétit insatiable des banquiers

un individu: C’est vrai qu’ils ont un appétit insatiable, ces banquiers nourris par l’argent de l’Etat.

Gidmoz: L’Etat a créée un monopole monétaire pour mieux spolier le peuple. L’Etat nourrit ce monopole monétaire afin de survivre, mais en consommant le sang et la sueur du peuple. L’Etat est le pire ennemi du peuple. Il faut que l’Etat rende la monnaie au peuple. L’Etat devrait cesser toute création monétaire, cesser toute intervention dans le secteur bancaire et monétaire. Ce serait le retour du free banking, de la banque libre. La banque libre a toujours fonctionné avec succès dans les pays riches depuis trois siècles. Le total de ces périodes de freebanking est de 600 ans. 600 ans de freebanking sans aucun échec, avec la prospérité des pays est une des preuves que l’Etat devrait cesser de s’occuper de monnaie. La monnaie est une marchandise, un service commercial ordinaire qui n’a rien à faire entre les mains de l’Etat.

un individu: Et comme ça les banquiers vont pouvoir s’enrichir encore plus et sans le contrôle de l’Etat. Non merci !

Gidmoz: L’Etat a inventé un système monétaire pervers qui oblige, de fait, les banques à prêter à un emprunteur qui ne remboursera jamais. Et cet emprunteur est l’Etat lui-même. Grace un tour de passe-passe, l’Etat diffère indéfiniment le remboursement de ses emprunts. La boucle est bouclée. Les banques sont des pions entre les mains d’un Etat qui s’endette à l’excès. Depuis Ricardo, on sait qu’un endettement de l’Etat est un impôt caché que devra payer le peuple plus tard. Et nous y sommes. Les banques sont des moyens, certes onéreux, utilisés par l’Etat pour voler le peuple.

un individu: parlez nous plutôt des intérêts monstrueux que perçoivent les banques grâce à ces emprunts jamais remboursés. Personne ne pleure sur les banques

Gidmoz: Il faut d’abord comprendre qu’une Banque Centrale qui prête à l’Etat, c’est moi-même qui me prête à moi-même. C’est un artifice comptable. C’est ma main droite qui prête à ma main gauche. Mais cet artifice comptable est pratique car il permet de revendre les créances sur l’Etat. Une créance sur un Etat s’appelle des « bons du trésor ». Et beaucoup de rentiers aiment acheter des « bons de Trésor ». Ces achats de bons du Trésor par les rentiers permettent aux banques de prêter davantage à leur Etat qui le leur ordonne. Les taux des emprunts sont déterminés par les marchés. Que l’emprunteur soit l’Etat ou Madame Michu, le taux est comparable. Oui, chaque banque bénéficie d’un privilège de l’Etat, non pas d’émission de monnaie, mais le privilège d’avoir presque gratuitement la « liquidité » de la Banque Centrale. Ce privilège est inclut dans le cours de Bourse de la BNP. L’actionnaire qui achète une action de la BNP a ainsi acheté une part de ce privilège. Un peu comme un taxi qui achète sa licence de taxi, qui achète un privilège de l’Etat.

création monétaire : les bases

La création monétaire par une banque

Les bases de la création monétaire sont souvent ignorées. La création monétaire est complexe, mais accessible avec les mots de tous les jours.

Une banque crée de la monnaie à chaque fois qu’elle prête de l’argent. Et lorsque l’emprunteur rembourse, cette monnaie est détruite.

La création bancaire n’est pas faite uniquement au moment des prêts bancaires. La banque émet aussi de la monnaie pour ses dépenses d’entreprises, sans aucun motif de prêt bancaire. Ainsi, les salaires des employés de la banque sont payés avec l’argent produit dans la banque elle-même, et pour les dépenses de la banque.

La banque peut aussi émettre de la monnaie pour investir. En particulier la banque peut émettre de la monnaie à chaque fois qu’elle possède une reconnaissance de dette d’un montant égal.

La valeur de la reconnaissance de dette, fondement de la création monétaire

Un prêt bancaire est un échange entre la reconnaissance de dette d’un emprunteur et une certaine somme de monnaie remise par la banque à cet emprunteur.

Pour l’emprunteur, la somme d’argent remise immédiatement a plus de valeur que la reconnaissance de dette remise à la banque. Sinon, l’emprunteur n’aurait pas accepté d’emprunté.

Du point de vue de la banque, la somme d’argent remise à l’emprunteur a moins de valeur que la reconnaissance de dette possédée. Sinon, la banque n’aurait pas accepté cet échange.

Pour une autre banque, cette valeur de la reconnaissance de dette aura plus de valeur que la somme prêtée. Ces reconnaissances de dettes sont librement cessibles. Elles sont vendues et achetées sur les marchés financiers. Un “bon du trésor” est une reconnaissance de dette de l’État. Une “obligation” émise par la société Renault, est une reconnaissance de dette de la société Renault.
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création monétaire en free-banking

thème: La monnaie pourrait fonctionner sans aucune intervention de l’État. Elle serait alors un contrat commercial entre la banque et l’utilisateur de monnaie. Par exemple, chaque billet serait une promesse de la banque de verser 1 gramme d’or.
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