critiques contre le freebanking
samedi 19 janvier 2013 Laisser un commentaire
Charles: l’introduction de monnaie métallique, ou le retour de l’étalon-or, n’empêchera aucunement l’inflation des prix (en or, cette fois!). cela a été le cas dans les années 1840-1860, lors de la découverte de gisements massifs d’or.
Une relecture de Hayek (« Denationalization of Money ») paraît fort utile…
Gidmoz: Le parti libertarien allemand propose le freebanking, la liberté de création monétaire. le freebanking s’oppose à tout système de banque Centrale, y compris une monnaie étatique à étalon-or. Le retour à l’étalon-or pour les monnaies étatiques serait une fausse bonne idée. Le freebanking permet d’augmenter les masses monétaires sans inflation des prix. C’est plus de crédit, et moindre cout. C’est donc plus de croissance et aucun risque systémique.
Charles: « Freebanking », ou « liberté de création monétaire »: ce sont sans doute des idées attendues depuis longtemps par tous les Madoff du monde, et autres faussaires. Les États bien sûr sont aussi des faussaires, mais ce serait naïf de croire que le freebanking n’attirera que des gens honnêtes. Lorsque la FED a été créée, après près d’un siècle de quasi-freebanking aux Etats-Unis, 40% des billets en circulation étaient des contrefaçons. J’approuve à 100% la plupart des thèses de Rothbard, mais le freebanking mérite mieux que de naïves illusions sur la nature humaine et les motivations des « freebankers ».
Gidmoz: Je ne partage pas votre inquiétude sur le risque d’escroquerie en freebanking. Chacun est libre de vendre des produits financiers les plus extravagants. Et pourtant, les escrocs sont une infime exception. Edmund Burke disait justement que la monnaie a de la valeur dans le commerce si l’État ne peut pas y toucher. C’est encore vrai. On a confiance dans les commerçants car ils redoublent de précaution pour éviter les risques de fraude dans leur entreprise. Et une seule fraude peut détruire la réputation, donc tout l’actif d’une entreprise. Le commerçant est honnête, très honnête, par égoïsme, comme dirait Adam Smith.
Charles: La naïveté n’aide pas le raisonnement libertarien. Je ne dis pas cela pour en refuser les principes (je suis membre de l’Institut Rothbard, quand même!) mais au contraire pour les rendre absolument logiques et inattaquables.
J’ai relu une énième fois « The Mystery of Banking » de Rothbard, dans lequel il expose sa théorie du freebanking. Pour tout banquier expérimenté, confronté à des multitudes d’environnements nationaux, les failles dans son exposé sont évidentes. Pour n’en citer qu’une seule: il fait un amalgame entre « liquidité » et « solvabilité ».
Si toutes les banques illiquides (mais solvables) devaient être fermées, et si l’on supprime le « prêteur en dernier ressort », il n’y aura plus de système financier, plus de moyens de paiement, plus de crédit, plus d’épargne.
Gidmoz: En freebanking, la liquidité est un bien qui est stipulé dans le contrat d’émission monétaire par la banque émettrice pour l’échanger contre la monnaie émise. Ce bien est coté sur un marché organisé. La banque ne peut émettre de la monnaie que si les actifs de la banque ont une vendabilité suffisante pour obtenir la liquidité prévue par le contrat de monnaie. Il n’y a alors nul besoin de banque centrale, ni de prêteur en dernier ressort.
Gidmoz: En freebanking, la liquidité est un bien qui est stipulé dans le contrat d’émission monétaire par la banque émettrice pour l’échanger contre la monnaie émise. Ce bien est coté sur un marché organisé. La banque ne peut émettre de la monnaie que si les actifs de la banque ont une vendabilité suffisante pour obtenir la liquidité prévue par le contrat de monnaie. Il n’y a alors nul besoin de banque centrale, ni de prêteur en dernier ressort.
Charles: La liquidité absolue n’existe que si les avoirs déposés sont conservés tels quels, et restitués à la première demande du déposant. Mais alors les banques ne sont que des coffres-forts, et n’accordent aucun crédit.
Au cours de ma carrière, j’ai analysé des milliers de bilans de banques. Je n’en ai jamais vu où les échéances du passif (en gros, les dépôts) correspondaient exactement à celles de l’actif (en gros, les crédits consentis). Pour la simple et bonne raison que la durée de l’épargne (courte) ne correspond jamais à la durée des crédits demandés (longue).
Je comprends donc que votre théorie transforme les banques en simples coffres (même pas sûrs, rien ne garantissant que le banquier ne se carapatera pas de nuit avec vos avoirs, or ou monnaie), les éliminent en tant qu’intermédiaires financiers dans les circuits de paiement, et abolit tout crédit.
Même Hayek admettait la nécessité d’un prêteur de dernier ressort, sans lequel, comme il l’écrivait, tout développement économique devient impossible, puisque ce développement implique précisément l’allongement des processus de production.
Gidmoz: Il existe un cas qui fait exception à ce que vous dites dans votre premier paragraphe. La banque peut vendre à des rentiers des créances sur certains de ses emprunteurs. Le rentier verse alors les liquidités pour acheter ces créances. Il préfère ainsi recevoir les intérêts et être remboursé à échéance des prêts bancaires.
Gidmoz: Il existe un deuxième cas qui fait exception à votre premier paragraphe sur la prétendue banque-coffre-fort. C’est la possibilité des réserves fractionnaires avec une clause acceptée de « surbooking ». Comme pour les places d’avion. Parfois, celui qui veut les liquidités promises attendra un peu. Celle clause de « surbooking » permet d’accorder des taux d’intérêt inférieurs, puisque moins de capital est immobilisé.
Charles: Encore faudrait-il que l’échéance des prêts corresponde exactement, au jour près, à la durée pour laquelle les « rentiers » souhaitent investir. C’est rarement le cas…
Charles: Quant au « surbooking », il arrivera nécessairement un jour où les demandes de retrait excéderont les encaisses de la banque, comme il arrive, dans les aéroports, que les passagers « surbookés » se retrouvent sur le carreau…
Gidmoz: Lorsque le rentier achète une créance, il accepte aussi l’échéance de remboursement. C’est le marché de la titrisation des créances sur les emprunteurs. Ce moyen constitue, à lui seul, une opportunité immense pour les banques en freebanking.
Gidmoz: je suis bien d’accord avec votre remarque sur le surbooking. C’est un risque que l’utilisateur de monnaie accepte. S’il refuse, il devra utiliser une autre monnaie plus chère. Le marché, les clients, trancheront entre « taux plus cher sans surbooking » et « taux moins cher avec surbooking ».
Charles: Une monnaie « low-cost », en somme?
Gidmoz: Il existe une troisième critique à votre banque-coffre-fort. C’est la production des biens liquides. En freebanking, toute commodity peut être la base de valeur d’une monnaie. La production physique de cette commodity augmentera suffisamment au-delà des besoins industriels habituels afin de servir une demande purement monétaire.
Gidmoz: Oui, votre terme « monnaie low-cost » est une bonne formule. Au pire, le commerçant ayant accepté cette monnaie hésitera à attendre « un peu » ou bien la revendra en payant une prime.
Charles: En d’autres termes, quand on dira « je vais déposer mon blé à la banque », ce sera vraiment un sac de blé (ou de l’oseille)?
Gidmoz: En freebanking, une monnaie est un titre financier ordinaire, c’est à dire une promesse de l’émetteur. Nul ne souhaite la livraison physique de la marchandise. Cette livraison physique est inutile.
Gidmoz: Il y a mille variantes à ma description de ce fonctionnement d’une monnaie en freebanking. Ainsi, une monnaie « low-cost » peut aussi choisir de rémunérer les utilisateurs qui ont du subir un retard à cause du surbooking. Le contrat de monnaie précise alors les conditions exactes de ce surbooking.
Charles: En somme des milliers, si ce ne sont des millions de monnaies, à échéances différentes, sans prêteur de dernier ressort, sans possibilité ni certitude de « réescompte ». Un nom approprié pour un tel système économique ne serait-il pas « capharnaüm » au lieu de « libertarien »?
Le système actuel a été dévoyé, par des États qui ne sont, comme l’écrivait Rothbard, que des « organisations criminelles ». Mais le « freebanking » est la porte ouverte à une multitude d’autres organisations criminelles, privées cette fois.
Gidmoz: Oui, en freebanking, il pourra exister de nombreuses monnaies. Si une banque trouve des clients qui lui font confiance, tous sont satisfaits. C’est le marché, c’est les clients qui choisiront s’ils préfèrent telle monnaie, ou telle type de monnaie, ou tel label de monnaie. Une multitude de petites banques très locales est probable. Des labels de qualité de certaines monnaies est tout aussi probable. Les marchés organisés pour échanger les titres d’une même denrée selon les échéances existent déjà. On vend un titre à telle échéance pour acheter le même titre à une échéance plus lointaine. Tout cela existe déjà.
Votre qualificatif de capharnaüm me conviendrait s’il décrit un marché animé. L’ordre d’un marché est rigoureux. Il est fondé sur les transactions de multiples vendeurs, chacun responsable de ses biens et de ses transactions. Pourtant, un observateur extérieur n’a pas et n’aura jamais toute l’intelligence de cet ordre du marché. Tout lui parait désordonné.
Charles: L’objectif n’est donc plus la « Société Ouverte » de Popper, ou la « Grande Société » de Hayek, dans lesquelles le commerce s’étend à des groupes de plus en plus grands, grâce à l’acceptation des mêmes règles. Le but devient des micro-sociétés, recroquevillées sur elles-mêmes, qui ne peuvent plus commercer (dans quelle monnaie?), autarciques, dans lesquelles seuls les « excédents de production » servent d’instruments d’épargne et d’échange, circonscrits à la communauté la plus restreinte.
Cela a existé: on l’a appelé le « Bas Moyen-Age ».
Gidmoz: Votre critique des micro-sociétés libertariennes est injuste. On peut commercer avec le monde entier en étant tout seul, en « micro-société » individuelle. Toute monnaie est échangeable sur internet à chaque instant. Le commerce peut se faire dans des monnaies différentes très facilement. La question du coût des transactions est un débat intéressant.
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